UN CORPS EN FACE.
… “ en face des forces primordiales de la vie, toutes les belles paroles sur un développement conduisant au-delà de la nature se révèlent inefficaces ”… ( cité par Frank Kafka dans son journal le 21 août 1916)
Les œuvres de Jean Pierre Formica ont d’abord été celles de passage ; peintre, il a cherché, à travers le mouvement, le glissement , à nous faire éprouver la circulation de la peinture, en la toile et au-delà de la toile. Utilisant l’histoire de l’art pictural, son dessein s’est exercé dans le cadre d’une construction du tableau comme dans la volonté de l’excéder. Il initiait ainsi un espace où l’acte de peindre à la fois
“creusait ” la surface et l’image -défaisant , reprenant métamorphosant les figures – et, à la fois, l’abandonnait pour d’autres à venir . Cet acte se situait entre elles, c’est à dire entre les tableaux, comme principe et poétique de création et de génération.
Il s’agissait de stations, de passages, en un mot, de mobilité possédant quelles que soient les figures reconnaissables, une nature abstraite. La conception, l’idée de la peinture déclenchaient et formaient la peinture même. L’enjeu était une “ précipitation ” de l’idée en une organisation picturale la réalisant. L’espace ainsi créé présentait une dimension mentale fortement affirmée jetant le doute sur le peu de réalité de la matière.
Aujourd’hui la substance, qui précédemment, se coulait dans le dessein de l’artiste, s’en dégage, fait face et l’interroge. Après avoir été engendrée par le flux d’une pensée ou d’un imaginaire, elle fait corps et pose la question de sa présence comme “ chose vue ”, touchée, manipulée, véritable acteur donnant la réplique à celui qui crée et le renvoyant à sa propre nature.
Ainsi, n’est-il pas étonnant de voir des formes peintes sur de grands papiers, donner naissance ou dialoguer avec des formes sculpturales, en bronze et en terre, obligeant le peintre à s’emparer tactilement de la figure pour tous les sens du terme, la saisir, la faire sienne. ……
…….Jean Pierre Formica nous invite moins à spéculer sur la peinture ou la sculpture qu’à nous faire comprendre, dans un temps où l’on ne regarde plus, qu’il est important de retrouver par l’œuvre - même, la richesse du voir. Elle nous rappelle notre vraie nature en nous permettant de prendre, à nouveau, conscience de notre dimension incarnée au sein d’un monde qui ne cesse d’accroître ses limites.
Dans ce nouveau travail, une volonté humble se révèle, à la fois archaïque et complexe, de tenter l’aventure d’un savoir voir où l’artiste et spectateur désapprendraient ce qu’ils savent pour retrouver cette réalité essentielle de l’immanence de l’être. Par là, Jean-Pierre Formica fait venir, au sein de son œuvre, la présence de la nature et une forme de connaissance faite, d’une part, d’un rapport direct à celle-ci et, d’autre part, de jeux et de combinaisons fondant l’activité créatrice.
Jean-Pierre Formica, abandonne, ici, toute subjectivité narcissique pour engendrer des formes qu’il veut extérieures à lui, comme nous est extérieure la nature nous entourant. Il souhaite atteindre la sensation de leur “ être ” qui nous permette de les manipuler, les parcourir, les accepter, telle une seconde nature, à interroger, comme matière, enfin, vue car rendue visible par la création. Les formes de cette œuvre ne sont pas symboliques ou réflexives, elles se proposent à nous comme autant d’expérimentations de la substance, elles signifient cette expérience d’avant et d’après le langage…
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